Comme l’a si bien décrit Steph au sujet du tour à Varneralp, certaines randos deviennent des musts au fil des années que nous les pratiquons. Notre pèlerinage vététesque annuel se nomme Goppenstein-Faldumalp-Oberu-Torrent-Loèche-Gemmi-Kandersteg, ou plus simplement Gemmi, ce col mythique reliant l’Oberland bernois au Valais germanophone. Pour nous Jurassiens cette rando allie la facilité d’accès – Kandersteg est à une heure de voiture de notre région – avec une grande variété de terrains: courte portion d’asphalte pour se chauffer, chemins blancs pour grimper durement, singles pour jouer en altitude, caillasse pour transiter à la frontière VS-BE puis machine à coudre d’anthologie pour terminer le tout. Quant aux panoramas et aux impressions visuelles et olfactives rencontrés ils sont aussi nombreux qu’impressionnants.
Pour sa cinquième édition d’affilé la rando a tenu toutes ses promesses: une météo exceptionnelle (33º à Oberu à 2100m), une végétation encore très riche,… et très peu de promeneurs pour un samedi estival! Le parcours du jour était « classique » et éprouvé pour limiter au maximum les poussages/portages, l’option Galm étant plus opportune dès mi-septembre lorsque les troupeaux ont regagné la plaine. Notre plaisir de mener nos crampons sur ce tour ne diminue en rien au fil des années, tant l’alchimie entre les paysages magnifiques, la météo toujours généreuse et le plaisir de rouler entre amis fidèles génèrent un moment de bonheur absolu. Gemmi 2009, un cru exceptionnel que nous avons dégusté à sa juste valeur.
L'entrée dans le Lötschental depuis l'entrée sud du tunnel du Lötschberg passe presque obligatoirement par un échauffement "asphalté".
Evitement de tunnel sur chemin vététesque, mais retour obligé sur un goudron déjà très chaud.
Les premiers kilomètres au dessus de Ferden sont raides mais faciles et la température encore agréable. La date inhabituellement avancée de notre rando nous plonge dans une végétation encore très verte et abondante.
Le chemin se fait plus conforme à nos attentes et aptitudes dès Bärsol, mais la pente est encore modeste.
Peu à peu la vallée de Lötschen s'ouvre à nos pupilles, naturelles ou digitales, jamais lassées par un tel spectacle.
Cette fois-ci nous y sommes: une fois passé le Dornbach la pente s'accentue progressivement et le chemin devient plus conforme à ce qu'on attend d'une route d'alpage valaisanne.
L'arrivée dans le pâturage de Faldumalp est un des moments forts de la rando, ce petit hameau rénové et accroché à sa pente à 45º est un joyau qui se mérite en sueur et rythme cardiaque emballé.
Symphonie d'épilobes et panorama exceptionnel: nous en reprenons volontiers quelques tranches sans risque d'indigestion.
La chapelle "cartepostalesque" de Faldumalp, photographiée à chacune de nos éditions annuelles et toujours aussi pittoresque.
La terrible montée de Faldumalp à Oberi Meiggu tient toutes ses promesses: la terrible pente, la température caniculaire et le revêtement très sec et fuyant produisent pas mal d'adrénaline et consument tout notre glycogène!
Vététiste concentré et philosophe ou se demandant ce qui l'a poussé à entreprendre pareille rando?
Le single entre Oberi Meiggu et la crête d'Heruhubel est en quelque sorte la cerise sur le gâteau de la première partie de la journée. Aérien sans être engagé et assez large pour ne pas accrocher les pédales, il permet enfin de prendre de la vitesse en admirant les 4000 au-delà de la vallée du Rhône.
Heruhubel est à portée de crampons et déjà la pyramide du Bishorn et du Weisshorn nous dominant au-dessus du val Turtmann indique que nous avons définitivement quitté le Lötschental pour les hauts de la vallée du Rhône.
Le premier but de la journée est atteint avec la traditionnelle photo-souvenir au-dessus de la vallée du Rhône. La descente sur le coin casse-dalle ne devrait plus être qu'une formalité.
Le single caillouteux sur Stafel est avalé en quelques minutes, avec en point de mire l'impressionnant entonnoir de l'Illgraben.
L'alpage de Stafel mériterait que l'on s'y arrête pour une petite sieste, mais nous préférons la solitude sauvage de notre "POL" (Point Of Lunch) habituel quelques kilomètres plus loin.
Le minuscule single en limite forestière permet une superbe transition entre Stafel et Niwenalp, plus aérienne et technique que le sentier très fréquenté et aseptisé partant d'Uderi Fäsilalpu.
Un tel panorama mérite amplement une perte de litres de sueur et un rythme cardiaque dans le rouge sur nos drôles de montures. Niwenalp nous voilà!
Le parcage à moutons de Niwenalp nous voit chaque année déballer notre casse-croûte et bénéficier des boissons (roboratives ou autres) mises à disposition du passant par le berger local (toujours absent) et réfrigérées dans la fontaine.
Il est des moments où il fait si bon être suisse et vététiste: nous sommes les rois de ces montagnes, même les randonneurs sont à nos pieds!
L'alpage d'Oberu semble proche mais la plongée sur la Feschilju puis la montée sur Bachalp et enfin le génial single de transition nous en sépare encore. La digestion du lunch va se payer durement sur quelques kilomètres.
Les villages de Feschel, Wiler et Agarn marquent autant d'étages sur le flanc nord de la vallée du Rhône, très loin au-dessous de nous.
La solitude du vététiste perdu dans l'enfer vert du Haut-Valais ou la récompense après tant d'heures de sueur et de serrage de dents…
Porte d'entrée dans la vallée de Loèche, le mur d'Obere Guggerhubel dévoile un panorama minéral et grandiose sur les falaises du Chällerflüe et Tschajetuhorn (à vos souhaits!). Un autre grand moment de la rando.
Les paravalanches de Plammis et Pfarschong et la falaise de Schattuflüe, terrain de jeux de nos amis vététistes valaisans, semblent à portée de crampons.
Le second sommet du jour, la télécabine de la Rinderhütte, est enfin à notre portée après une longue transition sur le superbe single dominant Tschärmilonga. La plongée en machine à coudre sur Loèche-le-Bains sera très chaude, surtout pour nos disques.
Loèche, ses curistes, ses terrasses bien habitées et surtout ses boissons houblonnées nous permettent enfin un repos roboratif bien mérité. 99% de l'effort du jour est derrière nous et nous sommes en avance sur l'horaire, alors profitons-en!
Seule concession mécanisée de la journée, la montée en benne de Loèche à la Gemmi permet de prendre la mesure des terribles parois dans lesquelles est taillé le sentier joignant la station thermale au col la dominant. Et dire que des inconscients descendent cette machine à coudre meurtrière à VTT…
Nous prenons enfin conscience de la descente géniale que nous venons de faire entre la Rinderhütte et Loèche: 1000m avalés en 10 minutes de cavalcade furieuse et poussiéreuse en prenant toutefois garde aux promeneurs apeurés et sensibles.
Retour à la minéralité le long du Daubensee pour une descente rapide mais à maîtriser, tant le sol est sec et fuyant et la concentration prête à se relâcher.
L'hôtel de Schwarenbach, dominé par le Rinderhorn et l'Altels, nous a vu passer sans consommer car l'unique menu proposé était loin de nos attentes au vu de la carte mise en ligne sur la toile. Encore une tromperie qui ne nous reprendra plus.
Rien n'arrête des vététistes qui sentent l'écurie (pardon, plutôt la fondue promise à l'arrivée), pas même des champs de pierres dévalées de l'Altels. Le plateau de Spittlematte, si sauvage, est avalé en quelques minutes.
Balcon du Stock, dominant Kandersteg à 1832m. Ne restent qu'un quarantaine d'épingles à négocier, avec une pente à plus de 20% et un terrain meuble peu habituel en ces lieux normalement humides. Dosage de frein très pointu, dérapages plus ou moins contrôlés et forte odeur de surchauffe vont nous accompagner 600 mètres plus bas.
La partie gastronomique, croit-on, peut commencer au Ruedihus, restaurant réputé dans un magnifique châlet de Kandersteg. Nos montures parquées, nous pouvons enfin nous détendre en terrasse en commandant Fendant et fondues.
Dernières secondes avant la mauvaise surprise du jour: la fondue a été faite dans un caquelon à la croûte pas nettoyée et la ration par personne doit avoir été mesurée avec une cuiller à café. On ne nous y reprendra plus à poser notre carcasse fatiguée dans un établissement célèbre. Le Ruedihus est bien loin de ce qu'il fut au temps d'un certain conseiller fédéral formidaaable!