C’était dur, mine de rien…

Dimanche 16 mars, vient au monde une superbe journée ensoleillée, qui va faire de l’ombre aux plus beaux jours d’octobre. Et pour fuir ce bébé qui promet d’être très chaud, j’me lance dans un chemin s’insinuant, tel un cordon ombilical, dans le ventre frais de la forêt guyanaise. Christian, mon plus fidèle compagnon, se joint à moi. Nous partons, sur nos vtts, à la recherche d’une mine de tantalite abandonnée.

Cette année, la saison des pluies est plutôt discrète. Les alizés dominants de nord-est maintiennent la ZIC sur les côtes du Brésil. Aussi en l’absence des fortes pluies, responsables des chutes d’arbres et des mares à boue gigantesques, le chemin forestier se trouve être en assez bon état. Toutefois les bas-fonds sécrètent toujours une boue épaisse qui refuse ostensiblement de durcir. Lancé comme un locomotive, Christian franchit ces passages en tête. La boue s’ouvre, les lèvres s’écartent et avant qu’elles ne se referment, je le suis dans le rail tel un wagon aveugle. On appelle cette technique de franchissement  » le passage de boue en train ».
Les premiers kilomètres sont avalés sans modération, avec parfois quelques passages techniques mais franchis trop lentement. L’adrénaline n’est pas là. Manque d’entraînement ! Puis le chemin bifurque sur la droite mais nous prenons à gauche. C’est le domaine des layons de chasseurs et des marqueurs ONF. Christian découvre ce sentier. Il hésite à continuer tellement cela parait impénétrable. Je fais mine de passer en tête. C’est suffisant pour le remettre en selle, fierté bretonne oblige… Il saute alors sur tout ce qui bouge et sur tout ce qui est allongé à terre : fougères, branches, troncs, racines, gnanmans. Un vrai trialiste sur un mur d’escalade ! Derrière je suis comme je peux. Mais hélas à plusieurs reprises je tombe brutalement dans une embuscade d’épines. Elles sont féroces ! J’aurais du mettre mes chaussettes montantes de footballeur. Là au moins j’aurais protégé mes chevilles, mes mollets voire les genoux en tirant bien. Et maintenant au lieu de ça, je me retrouve avec sur les jambes des griffures semblables à des coups de bistouris sanglants fait par un tatoueur amoureux des hachures désordonnées. La progression est lente et tous les 20 mètres c’est l’arrêt portage. Bien vite je comprends qu’il vaut mieux mettre les gourdes dans le sac à dos afin d’alléger le bike au portage. Mais je prends du retard sur le layonneur. Je porte trop. Bon je m’essaie, contre nature au trial. Deux troncs sont franchis sans frotter les dents mais à la sortie du troisième une fine liane m’attend à hauteur de la gorge. Ca refroidi instantanément. Le naturel revient aussitôt. Dans mes bras mon bike !!!

La lisibilité du layon est parfois difficile. Notre fil d’Ariane reste les anciennes marques de talutage. Après deux heures trente et quelques franchissements de criques, le camp est en vue. Déception, il ne reste rien. Ou plutôt peu de choses mais elles sont significatives. Quelques marques d’excavations, une pompe à eau en train de pourrir, des tuyaux, une vanne et quelques sluices témoignent qu’autrefois des forçats lavaient ici des tonnes de terre afin de séparer les concentrés de tantalite des boues stériles (le tantale, extrait des morceaux de tantalite, est un métal utilisé dans l’électronique et la micro-informatique mais aussi dans l’aéronautique). Les gisements de tantalite sont rares. Il en existe quelques uns au Venezuela et au Brésil. La Guyane, qui fait partie du même socle géologique, en possède également dans son sol. A ce jour, ces filons restent inexploités. Mais la rareté de ce métal engendrant un prix d’achat élevé, qui sait si dans quelques années, à l’image de ce qui se passe pour l’or, ce gisement endormi ne va pas être victime à son tour d’une ruée de maraudeurs clandestins.

Moustiques et fourmis dévoreuses d’homme, veillez !!!