Météo 2002, le monde à l’envers.

Je ne prétends pas avoir les compétences techniques de mon ami Alexandre Trajan, pourtant je pense qu’il y a quand même de quoi se poser quelques questions en évoquant la météo de cette première moitié de l’année 2002.


Au moment où je suis en train d’écrire cette chronique, en regardant par ma fenêtre, je ne vois que du blanc. 20 bons centimètres de neige molle et lourde recouvrent le sol.
Et alors ? me direz-vous, quand on habite à 1200 mètres d’altitude dans les Alpes suisses, il n’y a rien d’étonnant à être confronté à un manteau neigeux. En principe je devrais être d’accord avec vous… Sauf que l’on est le dimanche 5 mai…. et si je m’en réfère à l’Institut Fédéral pour l’Etude de la Neige et des Avalanches à Davos, en moins de 4 jours, il est tombé au-dessus de 2000 mètres d’altitude, entre 120 et 200 cm de neige fraîche dans la région du Gothard et du Haut-Valais, entre 80 et 120 cm dans les Alpes uranaises et le sud des Grisons et environ 50 à 80 cm dans le reste de la chaîne des Alpes suisses. Sans faire de recherches précises, mais simplement en consultant les journaux télévisés des différentes chaînes françaises, il semblerait que la situation soit assez similaire pour l’ensemble de l’arc alpin, hors des frontières helvétiques.

Quand je pense que la grande majorité des sociétés de remontées mécaniques ont dépensé sans compter, eau, énergie et argent, pour fabriquer de la neige artificielle durant pratiquement 4 mois entiers, de novembre 01 à février 02, je trouve que mère-nature est très cruelle avec eux. A peine le dernier téléphérique fermé, voilà qu’elle daigne enfin les gratifier d’un abondant et majestueux tapis d’or blanc. Le problème, c’est que ce précieux or, aussi blanc soit-il, n’intéresse maintenant quasiment plus personne, hormis quelques pratiquants de ski-alpinisme, et encore. Au contraire, en plus de donner des regrets aux responsables des stations de vacance, cette épaisse couche promet de retarder bon nombre d’activités de plein air, tant professionnelles que récréatives. Si, je me réfère simplement à l’année passée, notre pratique VTT avait déjà rencontré quelques déconvenues humides et froides, suite à un mois d’avril assez neigeux. Plusieurs cols fréquemment empruntés par nos randonnées se trouvaient encore sous la neige au début juillet, nous forçant à des portages parfois « engagés » pour franchir des restes de coulées ou des corniches récalcitrantes (Barrage de la Grande-Dixence, Col de Cou, etc…).
Alors que dire de ce soudain retour de l’hiver ? Qu’il va une fois de plus apporter un peu de piment à nos sorties de début d’été ? Probablement, mais ce n’est là qu’une conséquence dérisoire de ce caprice climatique, par rapport aux résultats occasionnés sur la nature elle-même. En effet, que dire des plantes et des arbres en pleine floraison, cueillis et probablement abîmés par cette vague de froid ? Que dire de ces oiseaux migrateurs ayant à peine repris leurs quartiers estivaux, aussitôt confrontés à une pénurie de nourriture et mal armé pour lutter contre les basses températures ? Que dire de ces agriculteurs qui vont voir toute la chronologie de leurs travaux saisonniers bouleversée par le retard pris dans la repousse des hauts pâturages d’alpage ?

A y regarder de plus prêt, cet épidose neigeux restera sûrement une péripétie anodine par rapport aux nombreux dégats causés par les pluies diluviennes qui se sont abattues sur les régions du Sud des Alpes. Mais il est révélateur d’une évolution qui semble s’accélérer inexorablement : le changement climatique. Dame-Nature a depuis toujours eu un tempérament capricieux, mais je pense que ses sauts d’humeur n’étaient ni aussi fréquents et ni aussi destructeurs avant que le développement industriel n’excerce son influence sur les conditions climatique de notre planète.